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Une universit¨¦ victime du client¨¦lisme ?

DENYS DELÂGE, Directeur du d¨¦partement de sociologie, Universit¨¦ Laval, Qu¨¦bec (CANADA)

http://www.scom.ulaval.ca/Au.fil.des.evenements/1997/10.09/idees.html



"La logique du client¨¦lisme, et celle, comptable, du financement par points d'activit¨¦, ont eu pour effet la multiplication des programmes, non plus pour la formation mais pour la satisfaction des client¨¨les."
"Les ¨¦tudiants-clients qui croient que les frais de scolarit¨¦ et le temps pass¨¦ en classe constituent le prix d'achat de leur formation et qui s'imaginent qu'il n'y aura pas de travail acad¨¦mique ¨¤ faire sont mieux de quitter. "


Les ¨¦tudiants seraient, au dire de plusieurs, notre client¨¨le pour lesquels il faudrait multiplier les produits ¨¦ducatifs en nombre, en vari¨¦t¨¦s, en valeurs et auxquels il faudrait demander par questionnaire d'¨¦valuer le service de vente et d'apr¨¨s vente pour ajuster notre marketing. Au lieu de voir l'enseignement comme notre marchandise, nous pourrions, d'un point de vue analogue consid¨¦rer que l'universit¨¦ produit une marchandise - les ¨¦tudiants - et demander ¨¤ nos acheteurs - les employeurs - comment ils ¨¦valuent ce qu'ils ach¨¨tent. Nous aboutissons ¨¤ l'universit¨¦ des sondages o¨´ les programmes se multiplient, se diversifient en fonction des client¨¨les. L'universit¨¦ cesse d'¨ºtre une institution qui d¨¦finit le savoir et la mani¨¨re de le transmettre.


La maladie a atteint d¨¦j¨¤ profond¨¦ment les Facult¨¦s molles de lettres et de sciences sociales, beaucoup moins celles de sciences, bien qu'encore... Tout de m¨ºme ce ne sont pas les industriels et les contracteurs qui disent aux professeurs de g¨¦nie comment faire. Je ne pr¨¦tends ¨¦videmment pas que les ¨¦tudiants et les employeurs n'ont rien ¨¤ dire sur l'enseignement universitaire, je crois m¨ºme que leurs avis sont indispensables. Cependant je pense que l'universit¨¦ ne doit ¨ºtre d'abord ni un commerce, ni une industrie, ni un centre d'achat. L'universit¨¦ c'est la rencontre de professeurs et d'¨¦tudiants pour la transmission du savoir. S'il fallait recourir ¨¤ une m¨¦taphore, j'utiliserais celle des maîtres et des artisans. Nous devons apprendre un m¨¦tier intellectuel et professionnel ¨¤ des jeunes qui viennent acqu¨¦rir une discipline, des habilet¨¦s fondamentales, une distance critique, des savoir-faire. Il importe pour cela que l'enseignement comporte un contenu, qu'il soit exigeant, qu'il pose des d¨¦fis, qu'il soit ouvert, qu'il soit centr¨¦ sur une discipline, quelle qu'elle soit.

  • L'exigence de la progression

Cela doit ¨ºtre d¨¦fini de l'int¨¦rieur d'abord, par les professeurs, bien sûr en interaction avec le milieu. Les programmes doivent ¨ºtre encadrants et comporter une progression d'ann¨¦e en ann¨¦e. Un programme compl¨¨tement "interdisciplinaire" du type du baccalaur¨¦at g¨¦n¨¦ral ne vaut rien parce qu'il n'y a ni formation de base ni progression. L'¨¦tudiant papillonne de cours introductifs en cours introductifs, aussi excellents soient-ils. Il faut qu'il y ait une discipline - colonne vert¨¦brale, ¨¤ partir de laquelle greffer les savoirs. C'est aussi ¨¤ partir de cette discipline que l'¨¦tudiant doit apprendre ¨¤ ¨¦crire, ¨¤ s'exprimer oralement, ¨¤ acqu¨¦rir l'autonomie, les habilet¨¦s pratiques. Tout ce que l'on fait pour s¨¦parer ces apprentissages de la formation disciplinaire constitue, ¨¤ mon avis, une fausse piste. Il n'y a pas non plus de formation sans appartenance : il faut des communaut¨¦s de professeurs qui ont eux-m¨ºmes le sentiment de travailler pour les ¨¦tudiants et qui jouent le rôle de "mentors".
Une universit¨¦ de professeurs absents ou qui ne font pas leur m¨¦tier d'intellectuels enseignants-chercheurs-¨¦crivains n'en est pas une. Il en va de m¨ºme pour une universit¨¦ o¨´ les ¨¦tudiants ne se connaissent pas. Les ¨¦tudiants doivent avoir le sentiment de progresser avec des pairs, de grandir entre la premi¨¨re et la troisi¨¨me ann¨¦e du baccalaur¨¦at, ils doivent vouloir relever, avec d'autres, un d¨¦fi difficile et ¨ºtre capables de se reconnaître entre eux, de distinguer et d'admirer leurs aîn¨¦s, de servir de mod¨¨les aux plus jeunes. Pour cela ils doivent se connaître.
Cela n'implique pas qu'il ne faille rien changer aux programmes d¨¦partementaux. Nous pourrions envisager que certaines formations disciplinaires sont trop ¨¦troites ou qu'il faille les juxtaposer ¨¤ des formations disciplinaires plus larges. Ainsi on pourrait imaginer un baccalaur¨¦at en sciences humaines ou encore un baccalaur¨¦at en sciences sociales. Cela, ¨¤ mon avis, est tout ¨¤ fait recevable, voir souhaitable ¨¤ la condition qu'on respecte les principes dont je viens de faire l'expos¨¦: cela veut dire que serait exclue une formation "lache" o¨´ les ¨¦tudiants reproduiraient en sciences sociales ou en sciences humaines les r¨¨gles du baccalaur¨¦at g¨¦n¨¦ral, c'est-¨¤-dire ¨¤ chacun son menu, pas de programme, pas de progression, pas de cohortes, pas d'appartenance.

  • Direction prop¨¦deutique

On pourrait ¨¦galement envisager une autre hypoth¨¨se consistant ¨¤ cr¨¦er une premi¨¨re ann¨¦e prop¨¦deutique facultaire avant de s'engager dans une discipline en deuxi¨¨me ann¨¦e du baccalaur¨¦at. Mes coll¨¨gues cinquantenaires et moi-m¨ºme avons souvent connu ce curriculum et en gardons g¨¦n¨¦ralement un excellent souvenir. En sciences sociales cela consisterait ¨¤ suivre, dans de grands amphith¨¦atres, des cours d'introduction ¨¤ nos disciplines : ¨¦conomie, anthropologie, sciences politiques, d¨¦mographie, sociologie, etc. Les avantages sont certains pour l'interdisciplinarit¨¦, pour l'ouverture, pour l'¨¦conomie de ressources professorales. Cela exige un excellent encadrement avec des ¨¦tudiants avanc¨¦s - auxiliaires d'enseignement. Les d¨¦savantages concernent ¨¦videmment l'anonymat et l'impossible ¨¦mergence de sentiments d'appartenance en premi¨¨re ann¨¦e.


Au plan des ressources professorales, quelles que soient les d¨¦cisions concernant les programmes (statuquo, prop¨¦deutique de sciences sociales, baccalaur¨¦at en sciences sociales), il est certain que nous pourrions faire davantage pour mettre en commun. Plusieurs d¨¦partements donnent des cours analogues qu'il ne serait pas n¨¦cessaire de d¨¦doubler. Cela ne serait possible qu'¨¤ la condition cependant que nous cessions de multiplier les programmes sur-sp¨¦cialis¨¦s.


La logique du client¨¦lisme ¨¤ l'universit¨¦, et celle, comptable, du financement par points d'activit¨¦ ont eu pour effet la multiplication des programmes, non plus pour la formation mais pour la satisfaction des client¨¨les. Cela conduit ¨¤ rendre apparemment "obsol¨¨tes" les formations fondamentales. Pourquoi faire un diplôme de service social si on peut se d¨¦brouiller avec g¨¦rontologie Pourquoi faire sciences politiques alors que communication publique et journalisme sont des formations calqu¨¦es sur des carri¨¨res Voil¨¤ donc que l'on offre, en lettres seulement, 57 programmes d'¨¦tudes au 1er cycle, 27 aux 2e et 3e cycles. Puisque beaucoup de ces programmes ¨¤ la pi¨¨ce n'offrent pas de formation solide, on veut les am¨¦liorer en les "inter-disciplinant" : r¨¦sultat, on en r¨¦duira encore le noyau. Prenons l'exemple de la formation au baccalaur¨¦at sp¨¦cialis¨¦ en histoire. C'est un programme exigeant, structur¨¦ et encadrant: peu de cours optionnels, une progression sur trois ans, des cours de m¨¦thodes, des exigences d'¨¦criture. Plus de quatre cents ¨¦tudiants s'y ¨¦tant inscrits aux divers niveaux ¨¤ l'automne 1996, se pose ¨¦videmment la question de l'employabilit¨¦. Aucun diplôme d'histoire ne conduit ¨¤ l'enseignement au secondaire, il faut deux ans de p¨¦dagogie. Le gouvernement n'embauche plus. O¨´ vont travailler ces ¨¦tudiants Tourisme, mus¨¦es, recherche Que faire R¨¦ponse: id¨¦alement, rendre la formation en histoire davantage polyvalente pour que les finissants se placent mieux sur le march¨¦ du travail. Ne va-t-il pas de soi qu'un historien ait de l'autonomie (cours de gestion du temps) de l'entregent (cours de relations humaines), une facilit¨¦ d'¨¦criture (cours de ), avec ¨¦videmment des connaissances en d¨¦mographie, en g¨¦ographie, etc.


Certes tout cela est indispensable, mais c'est ¨¤ partir et dans la discipline qu'il faut l'acqu¨¦rir. Une formation n'est pas qu'une juxtaposition de cours magistraux avec un examen et un travail long. Cela comporte des cours th¨¦oriques, des cours d'objets, des cours de m¨¦thode, des cours pratiques. Cela implique une progression et une articulation. C'est cela que nous sommes en train de d¨¦molir. "Back to Basic", il faut refuser cette logique.

  • C'est Larose qui a raison

Alors les ¨¦tudiants d'histoire ne se trouveraient pas de travail (ce qui est vrai) parce qu'ils ne sont pas assez polyvalents Parce que leur formation est trop disciplinaire Solution: d¨¦faire la discipline. J'apporterais plutôt la r¨¦ponse suivante :
1o Les ¨¦tudiants d'histoire n'ont pas de travail parce que, jusqu'¨¤ tout r¨¦cemment, nous avons fait le choix de soci¨¦t¨¦ de ne pas enseigner le pass¨¦ aux jeunes ( il en va de m¨ºme avec la g¨¦ographie pour le rapport ¨¤ l'espace. Nous avons privil¨¦gi¨¦ les cours "choix de carri¨¨re", "travail domestique", etc. Nous avons voulu que l'¨¦cole "r¨¨gle les probl¨¨mes sociaux". Nous revenons heureusement ¨¤ la formation de base au primaire et au secondaire.
2o Les ¨¦tudiants d'histoire n'ont pas de travail parce qu'il ne faut plus ¨ºtre historien pour enseigner au primaire et au secondaire. Il faut ¨ºtre p¨¦dagogue. Il ne faut pas non plus ¨ºtre math¨¦maticien, litt¨¦raire, g¨¦ographe, biologiste pour enseigner le calcul, la litt¨¦rature, etc. il faut ¨ºtre p¨¦dagogue. Cette d¨¦cision fut celle de notre minist¨¨re de l'¨¦ducation et de notre Universit¨¦. Pourtant, nous le savons, toutes les commissions nationales d'enqu¨ºte sur l'¨¦ducation, que ce soit aux ¨¦tats-Unis, au Canada, en Allemagne, en France ou en Angleterre, ont retenu deux crit¨¨res fondamentaux du succ¨¨s de l'enseignement au primaire et au secondaire: l'appartenance et la fiert¨¦ disciplinaire des instituteurs, l'autonomie et l'initiative des directions d'¨¦cole. Nous formons en p¨¦dagogie des sp¨¦cialistes de la mesure, de l'¨¦valuation, de la communication, de la "psychologie" de l'enfant et de l'adolescent. Probl¨¨me : le contenu est ¨¦vanescent. Faut-il bannir la p¨¦dagogie Que non! C'est un appoint. Ça ne doit pas, sauf exception, ¨ºtre au cœur de la formation. Je sais qu'il y a un long d¨¦bat l¨¤-dessus, dont nous avons eu des ¨¦chos dans Le Devoir. Je ne crois pas que la v¨¦rit¨¦ se situe entre les extr¨ºmes qui seraient Jean Larose et certains doyens des Facult¨¦s d'¨¦ducation du Qu¨¦bec. Je crois, tout simplement, pour ma part, que Jean Larose a totalement raison!
3o Graham Fraser, journaliste, correspondant ¨¤ Washington puis ¨¤ Ottawa du Globe and Mail et collaborateur du Devoir n'a pas de formation en journalisme, il a ¨¦tudi¨¦ en histoire et il a fait du journalisme ¨¦tudiant tout au long de ses ¨¦tudes. Quand il s'est pr¨¦sent¨¦ au premier quotidien qui l'a embauch¨¦, il avait deux atouts parmi d'autres: une formation disciplinaire et un cartable rempli d'articles d¨¦j¨¤ publi¨¦s dans des journaux ¨¦tudiants. D¨¦sormais, il semble qu'il faille plutôt passer par le d¨¦partement de communication pour devenir journaliste. En 1996, il y avait en communication le double des inscrits d'histoire. Voil¨¤ qui est mieux, n'est-ce pas, cela est plus adapt¨¦ au march¨¦ du travail. Erreur! Qui trouvera ¨¤ travailler en journalisme ou en communication Les ¨¦tudiants et ¨¦tudiantes qui auront fait du journalisme ¨¦tudiant et de la radio ¨¦tudiante, qui sauront ¨¦crire et parler, qui sauront penser.
Faut-il abolir le d¨¦partement de communication et de journalisme Non, mais ça devrait venir apr¨¨s une formation de base ou encore, ça devrait ¨ºtre une ¨¦cole professionnelle contingent¨¦e comme ¨¤ l'Universit¨¦ Concordia. Pourquoi en est-il ainsi ¨¤ Laval Parce que c'est payant pour les points d'activit¨¦ et pour le financement de notre Universit¨¦. En disant cela, je ne remets pas du tout la comp¨¦tence, d'ailleurs excellente, de mes coll¨¨gues de journalisme et de communication. Je dis seulement que ce n'est pas s¨¦rieux de faire "accroire" ¨¤ nos jeunes qu'ils deviendront des journalistes s'ils ne passent pas leur temps ¨¤ ¨¦crire et s'ils n'ont pas une formation disciplinaire quelle qu'elle soit.

  • Le cas de la maîtrise

La m¨ºme logique de dilution des contenus de formation qui nous conduit ¨¤ multiplier les formations ¨¤ la pi¨¨ce du premier cycle devrait nous conduire ¨¤ diversifier les formes de maîtrise et ¨¤ les diluer. Telle qu'elle est, la maîtrise de type B avec m¨¦moire de 125 pages, constitue un exercice difficile et ¨¦prouvant, c'est un vrai d¨¦fi ¨¤ relever. Les ¨¦tudiants et les ¨¦tudiantes qui terminent une maîtrise se d¨¦marquent tr¨¨s nettement de ceux et celles qui terminent un baccalaur¨¦at. La maîtrise suppose un exercice de solitude, un travail de longue haleine, la mise en œuvre des habilet¨¦s d'analyse et de synth¨¨se. Le mot "maîtrise" ne nous vient-il pas des corporations des maîtres et des artisans C'est la premi¨¨re pi¨¨ce d'ensemble, la premi¨¨re cr¨¦ation sign¨¦e par l'artisan. La maîtrise repr¨¦sente donc un moment de rupture o¨´, pour la premi¨¨re fois, l'¨¦tudiant ne fait plus qu'acqu¨¦rir des connaissances et en rendre compte, o¨´ il ne fait plus que s'exercer ; cette fois, il produit pour vrai, cette fois il se doit d'¨ºtre autonome, responsable et comp¨¦tent. Son produit - son œuvre -, son ¨¦crit entre dans le r¨¦seau scientifique. Des enqu¨ºtes r¨¦centes aupr¨¨s d'¨¦tudiants actuels et anciens nous r¨¦v¨¨lent le souhait mainte fois r¨¦it¨¦r¨¦ d'une formation aux ¨¦tudes sup¨¦rieures qui d¨¦veloppe le sens de l'innovation, l'habilet¨¦ ¨¤ g¨¦rer le personnel et les taches, la capacit¨¦ de s'autog¨¦rer, de maîtriser les langages de base, la comp¨¦tence dans les disciplines de son champ d'¨¦tudes. Ce sont l¨¤ pr¨¦cis¨¦ment les comp¨¦tences que les ¨¦tudiants acqui¨¨rent en produisant leur m¨¦moire. D'ailleurs, cela r¨¦ussit. Le taux de placement des titulaires d'une maîtrise se situe autour de 90 %.


Pourquoi faudrait-il en r¨¦duire les exigences L'on parle actuellement de cr¨¦er trois autres maîtrises ¨¤ scolarit¨¦ terminale, ne donnant pas acc¨¨s au doctorat (essai, stage, stage et essai). J'imagine qu'on devrait alors inscrire dans les programmes de ces maîtrises terminales des cours d'autogestion des ¨¦tudes, de communication en public, d'initiation ¨¤ la conceptualisation! Cela serait infantilisant et m¨¦prisant pour les ¨¦tudiantes et les ¨¦tudiants. S'il y a un probl¨¨me ¨¤ la maîtrise c'est peut-¨ºtre qu'elle est trop souvent terminale et qu'il manque de ponts pour passer au doctorat. Un excellent m¨¦moire pourrait constituer un morceau d'une th¨¨se. Par contre la formation de nos docteurs est trop peu exigeante au plan de la scolarit¨¦ et toute la formation a tendance ¨¤ se ramener, ¨¤ se r¨¦duire ¨¤ la probl¨¦matique de la th¨¨se. Un finissant au doctorat devrait avoir les comp¨¦tences n¨¦cessaires pour donner un cours d'introduction ¨¤ sa discipline en premi¨¨re ann¨¦e du baccalaur¨¦at. Nous en sommes souvent loin. Nous aurions int¨¦r¨ºt ¨¤ nous aligner ¨¤ cet ¨¦gard, sur les meilleures universit¨¦s am¨¦ricaines.

  • Les voies du d¨¦crochage

Je voudrais maintenant aborder un autre point qui semble beaucoup pr¨¦occuper la direction de notre Universit¨¦, il s'agit du taux de r¨¦tention et du taux de diplîmation. ¨¤ la Facult¨¦ des lettres, le quart des ¨¦tudiants changeraient de programme et la diplîmation serait du m¨ºme ordre de grandeur (bacc. en g¨¦ographie: 21 % ; bacc. en histoire: 23 % ; bacc. en litt¨¦rature française: 28 %, etc.). Cela implique des coûts en ressources humaines et mat¨¦rielles tant pour l'Universit¨¦ et la soci¨¦t¨¦ que pour les ¨¦tudiants. Il y a peut-¨ºtre ¨¤ l'Universit¨¦ des d¨¦partements et des facult¨¦s qui pratiquent la sur-s¨¦lection. Tel ne m'apparaît pas ¨ºtre le cas en Lettres ni non plus en Sciences sociales. Les taux de r¨¦tention et de diplômation sont probablement comparables ¨¤ la Facult¨¦ des sciences sociales. En sociologie, grosso modo, un ¨¦tudiant sur quatre diplôme. Il n'y a pas chez nous de volont¨¦ explicite ou secr¨¨te de couler des ¨¦tudiants. Nous encadrons beaucoup les ¨¦tudiants de premier cycle, beaucoup d'auxiliaires, beaucoup d'¨¦criture, absence d'examens objectifs, etc. La Facult¨¦ offre des cours de rattrapage en français. Malgr¨¦ tout cela 75 % ne se rendent pas au bout. Alors pourquoi Parce que nous recrutons beaucoup d'¨¦tudiants faibles et moins d'¨¦tudiants forts. Cela est facile ¨¤ comprendre. Depuis l'¨¦cole secondaire, les ¨¦tudiants forts s'orientent en sciences. ¨¤ l'Universit¨¦, les facult¨¦s de sciences et les ¨¦coles professionnelles ont des pr¨¦requis. Lettres n'en a pas, les d¨¦partements (non pas les ¨¦coles) de sciences sociales n'en ont pas non plus, implicitement, cela envoie le message que ces disciplines ne sont pas s¨¦rieuses. On s'inscrit donc en Lettres ou en Sciences sociales soit parce qu'on est trop faible, au plan acad¨¦mique, pour s'inscrire ailleurs, soit parce qu'on en a la passion.


Pourrions-nous faire mieux Non. Voici pourquoi. Nous savons qu'il n'y a aucune r¨¦ussite possible en sciences sociales ou en lettres sans une parfaite maîtrise de l'¨¦criture. Nous le savons et nous le disons, nous faisons m¨ºme davantage par l'imposition de tests de français. La Facult¨¦ des sciences sociales fait mieux, elle offre des cours gratuits et excellents de rattrapage en français. Voil¨¤ une mesure r¨¦elle et concr¨¨te d'appui et d'aide ¨¤ la formation des ¨¦tudiants. Notre Facult¨¦ ne peut pas faire davantage, la suite appartient aux ¨¦tudiants. Eux et eux seuls doivent prendre la d¨¦cision d'assumer leur formation. S'ils ne le font pas tant pis pour eux. Le font-ils Pas tant que cela, il n'y a pas foule aux cours de rattrapage en français et se posent des probl¨¨mes de r¨¦tention ¨¤ la fin du trimestre! Quant ¨¤ moi, j'ai oblig¨¦ des ¨¦tudiants ¨¤ suivre ces cours de rattrapage, au demeurant excellents, j'ai m¨ºme fait prendre les pr¨¦sences des ¨¦tudiants concern¨¦s, je les ai presque harcel¨¦s! On ne peut faire plus. Les ¨¦tudiants-clients qui croient que les frais de scolarit¨¦ et le temps pass¨¦ en classe constituent le prix d'achat de leur formation et qui s'imaginent qu'il n'y aura pas de travail acad¨¦mique ¨¤ faire sont mieux de quitter. Nous voil¨¤ de retour avec la client¨¨le ¨¦tudiante. Si les ¨¦tudiants sont des clients pourquoi travailleraient-ils pour apprendre Ne suffit-il pas d'acheter Le 25 % des ¨¦tudiants qui diplôment au baccalaur¨¦at sont ceux qui ont cess¨¦ de se voir en clients et qui sont devenus des artisans. Artisans de leur formation, artisans de leur vie.

 


 

On ne change pas l'universit¨¦ par d¨¦cret

Hugues Portelli, Professeur de sciences politiques ¨¤ Universit¨¦ Paris II, ¨¦galement s¨¦nateur UMP

«Le Figaro», vendredi 13 f¨¦vrier 2009


La r¨¦volte de la communaut¨¦ universitaire contre le projet de d¨¦cret modifiant le statut des enseignants-chercheurs n'est pas une surprise. En accordant aux autorit¨¦s locales (les pr¨¦sidents d'universit¨¦ et leurs conseils) le soin d'¨¦valuer et de fixer le service des universitaires, le texte remet en cause le principe ¨Cconstitutionnellement garanti ¨Cd'ind¨¦pendance des professeurs d'universit¨¦.

Une des dimensions de cette ind¨¦pendance est le caract¨¨re national du service dû par l'universitaire et de son statut. Jusqu'¨¤ pr¨¦sent, c'est une instance nationale, compos¨¦e de membres ¨¦lus et dont la comp¨¦tence scientifique est indiscut¨¦e, le Conseil national des universit¨¦s, qui est charg¨¦ de l'¨¦valuation des universitaires et de la gestion de leur carri¨¨re.

Le projet de d¨¦cret ne fait que tirer les cons¨¦quences d'une loi qui a renforc¨¦ le pouvoir des pr¨¦sidents d'universit¨¦ et a remplac¨¦ le jacobinisme d'Etat tant vilipend¨¦ par un vrai « jacobinisme local » qui fait fi des diff¨¦rences entre disciplines : il renforcera la tendance d¨¦j¨¤ ¨¤ l'œuvre au client¨¦lisme et au localisme.

Il ne mettra pas un terme ¨¤ l'interventionnisme de l'Etat. Celui-ci passe par les contrats d'¨¦tablissements, qui placent les universit¨¦s sous la d¨¦pendance financi¨¨re du minist¨¨re et mettent leur autonomie officielle sous tutelle.

S'interroger sur un changement aussi radical qui ignore ¨¤ ce point la r¨¦alit¨¦ de l'universit¨¦ ne signifie pas d¨¦fendre le corporatisme des enseignants-chercheurs et notamment des professeurs d'universit¨¦. L'¨¦valuation de ceux-ci est une n¨¦cessit¨¦ et d'ailleurs elle est d¨¦j¨¤ assur¨¦e efficacement.

Mais jusqu'¨¤ pr¨¦sent, cette ¨¦valuation a pris en consid¨¦ration les activit¨¦s de recherche et d'enseignement. Le nouveau texte y ajoute massivement les taches administratives : or la vocation des universitaires n'est pas de devenir des administrateurs ¨Cm¨ºme si nous devons respecter ceux qui ne r¨ºvent que de devenir recteurs ¨Cmais des chercheurs et des enseignants.

La revalorisation de l'enseignement sup¨¦rieur passe par un renforcement de l'¨¦valuation de s universitaires : mais cette ¨¦valuation, qui permettra de les comparer ¨¤ leurs homologues ¨¦trangers, ne peut porter que sur leurs travaux et leurs enseignements. Et elle ne peut ¨ºtre confi¨¦e ¨¤ des instances locales, dont on peut douter qu'elles disposent toutes de l'impartialit¨¦ et de la comp¨¦tence disciplinaire indispensables.

La n¨¦cessaire concertation avec le monde universitaire ¨C et non sa technostructure ¨C pour sortir de la crise actuelle passe par un retour aux fondamentaux de sa vocation : la recherche et l'enseignement. La r¨¦flexion sur les adaptations du statut doit ¨¤ l'exp¨¦rience des pays o¨´ les universitaires sont les plus performantes et les plus respect¨¦es. Elle doit aussi s'interroger sur les moyens de r¨¦duire l'¨¦cart ¨C notamment financier ¨C entre les moyens dont disposent les universit¨¦s et leurs personnels et ceux des grandes ¨¦coles publiques ou priv¨¦es.

Ce n'est pas en transformant les universitaires en agents administratifs que l'on contribuera ¨¤ la renaissance de l'universit¨¦.


      
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